L’Expo Milano 2015 vue de l’intérieur

L’Expo est maintenant finie et mon expérience là-bas s’est terminée fin août, mais mieux vaut tard que jamais comme on dit ! J’ai remarqué que même pour les touristes qui y ont fait un tour, l’Expo est restée un concept assez abstrait, alors je me disais que ça serait pas inintéressant de vous raconter l’envers du décors et comment j’y ai (sur)vécu pendant 4 mois.

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L’Expo dont je parle est l’Expo universelle, qui avait lieu cette année à Milan du 1er mai au 31 octobre. Énorme chance absolument pas calculée pour moi, puisque c’était exactement cette année-là dans cette ville-là que je me suis retrouvée à faire mon année Erasmus. Une opportunité sur laquelle j’ai sauté immédiatement, et c’est ainsi que j’ai fait un stage au pavillon belge de l’Expo pendant 4 mois.

La foule sur le Décumano, l'avenue sur laquelle sont répartis presque tous les pavillons.
La foule sur le Décumano, l’avenue sur laquelle sont répartis presque tous les pavillons.

 

Pourquoi la Belgique ?

Ça parait effectivement pas évident qu’une Française en Italie se retrouve à travailler pour la Belgique, mais la raison est plus que simple : la France n’a pas fait une campagne de recrutement de stagiaires à mon école, mais la Belgique, si.

 

Le pavillon belge, il ressemble à quoi ?

L’Expo toute entière était un chef-d’œuvre d’architecture et de design, et le pavillon belge y avait une place de choix. Très lumineux, éco-friendly (même si concrètement personne n’a jamais su me dire si l’éolienne et les panneaux solaires produisaient assez pour notre consommation en énergie), tout en bois recomposé et en verre. L’entrée et la sorte de couloir qui constituent toute la première partie sont un peu pourris, et puis c’est un couloir quoi, donc bon, pas oufissime (même si, pour une raison incompréhensible à mes yeux les pavillons sont nombreux à avoir choisi l’option « couloir qui mène au point important du pavillon ») avec il y avait à admirer un workshop tenu par des maîtres chocolatiers belges, et ensuite si on suit la visite on atterri dans « la cave », une sorte de sous-sol très très sombre (sur lequel je reviendrai dans un autre article je pense), puis on remonte à l’étage pour être ébloui par le hall général qui est juste magnifique, et les lumières hyper travaillées radoucissent encore l’ambiance. Il y a plusieurs alcôves, dans lesquelles se trouvent le restau, les cuisines et le bar à bières (LE cœur névralgique et économique du pavillon). Honnêtement, travailler dans un environnement aussi beau et impressionnant était un des plus gros plus. Une ptite galerie pour visualiser un peu mieux la chose :

 

Qu’est-ce que j’y faisais ?

J’étais employée en tant que stagiaire (comme la moitié du personnel de l’Expo d’après ce que j’ai pu constater, vive l’exploitation encouragée par les ¾ des pays présents !) et mon rôle (avec une vingtaine d’autres stagiaires) était de faire la liaison entre la hiérarchie (uniquement Belge et majoritairement Flamande, et aucun italianophone à part les big big bosses) et de faire en sorte « que les visiteurs apprécient leur visite ». En gros leur sourire et ne pas les étrangler quand ils sont cons et chiants (= presque tout le temps). Il s’agissait donc très concrètement d’un passionnant job d’hôtesse la plupart du temps. J’ai eu une chance énorme dès le début, la manager du magasin de chocolats à l’intérieur du pavillon parlait à peu près français, mais très mal italien, donc j’ai été son assistante pendant les trois-quarts de mon temps « au Belge ».

C’était un poste privilégié, et toutes mes collègues me jalousaient, puisque j’avais des choses concrètes à faire et certaines responsabilités, contrairement aux hôtesses qui avaient souvent un rôle de figurantes. Le reste du temps, j’alternais entre l’accueil des visiteurs, les explications/visites guidées de « la cave, là où il y avait notamment l’aquaponie), et partout là où on avait besoin de main-d’œuvre (quelques fois dans les bureaux pour du travail d’organisation, souvent à la caisse aux frites). J’aimais particulièrement être (quand j’étais pas au stand du chocolat) à l’aquaponie et aux frites, cette dernière n’étant pas une fonction très valorisante, certes, mais au moins aucun risque de s’ennuyer (plus d’une tonne vendue chaque jour) !

En tant que stagiaire, mon salaire était de 500E net par mois. Pas génialissime, surtout quand on voit le prix des loyers dans une ville comme Milan, mais je me suis consolée en me disant que les stagiaires des Pays-Bas étaient payés très exactement moitié moins (véridique). Mon emploi du temps : 3 jours de suite par semaine puis la semaine suivante 4 jours de suite je prenais 9h30 et finissais à 21h. Des journées qui étaient donc trèèèèès très longues, surtout en étant toute la journée debout et dans la canicule de l’été italien. Mais ce qui veut dire aussi que tout le reste de la semaine était libre, donc pas si mal au final (même s’il me fallait bien un jour de repos entier pour récupérer physiquement à chaque semaine). Au niveau des avantages j’avais droit à : 2 repas par jour quand je travaillais (même si ce qu’ils nous offraient ne méritaient pas toujours le titre de « nourriture mangeable ») et le remboursement des trajets en transport commun ; 2 tickets par jour de travail, qui permettaient d’acheter au sein du pavillon des choses qui y étaient vendues, comme de la bière (j’en ai fait des réserves énooooormes), des gaufres et des frites ; un pass pour l’Expo, qui me permettait d’entrer gratuitement et sans faire la queue à l’entrée générale à l’Expo tous les jours, même ceux où je travaillais pas (un bien d’une valeur inestimable quand on sait qu’un billet d’entrée journalier coûte environ 35E et qu’il faut plusieurs jours de visite pour espérer pouvoir avoir vu l’Expo ne serait-ce que de manière fractionnelle), et la possibilité d’acheter des billets de l’Expo journaliers à 12E (mis en relation avec le prix fixe que je viens d’évoquer, ça valait franchement le coup et j’ai noté que tous les pavillons étaient loin d’offrir ça à leurs employés).

 

Et c’était pas répétitif Expo pendant 4 mois ?

Connaitre les très nombreuses bières que proposait le pavillon était indispensable, il a fallu que je donne de ma personne pour être à la hauteur
Connaitre les très nombreuses bières que proposait le pavillon était indispensable, il a fallu que je donne de ma personne pour être à la hauteur

Non. Clairement non. Il m’arrivait (assez souvent) d’être fatiguée de la foule, fatiguée de l’hypocrisie générale et des propagandes politiques, publicitaires et touristiques qui régnaient en permanence, mais l’Expo n’était jamais répétitive. Il faut dire que l’ambiance parmi l’équipe était vraiment excellente, on passait notre temps à papoter (et donc pour moi à améliorer mon italien), et les jours où vraiment il n’y avait rien à faire on organisait même quelques petits jeux entre nous (des parties de ‘secret friend’, ou alors tout simplement faire croire aux visiteurs les choses les plus improbables qu’on pouvait imaginer, comme le fait que les aquariums étaient remplis de bière, ou que ‘bravinuiusk’ était un véritable mot en flamand). En dehors des heures de boulot aussi on était souvent ensemble. Il n’était pas rare qu’on vienne pendant nos jours de congés, soit pour visiter l’Expo, soit pour trainer au pavillon Belge (ce qui est un chouia triste quand on y pense), souvent les soirs on restait jusqu’à la fermeture devant des bières, à partir de l’été des karaokés étaient organisés régulièrement sur la scénette devant le pavillon, il a fallu se préparer pendant 2 semaines à la venue très officielle de la reine de Belgique (je lui ai serré la pince en plus), le piano en accès libre faisait de l’animation (hyper cool les 2 premières semaines, mais malheureusement il y a un nombre très limité de chansons d’Amélie Poulin qu’on peut écouter en boucle pendant 4 mois joués par des talentueux et des moins talentueux sans avoir ensuite des envies de meurtre), il y a eu des matchs de foot inter-personnel de l’Expo, des concerts d’organisés, des dégustations d’insectes …

La-pizza-più-lunga-del-mondo-4-compressor (2)Et en dehors du pavillon belge lui-même, l’Expo était un parc d’attraction où il y avait toujours quelque chose qui se passait, un pavillon qui faisait une soirée, la journée nationale d’un pays … ou un record du monde de la pizza la plus longue à battre. Véridique ! (encore une fois) Sur le Décumano (l’énorme avenue de plus d’un kilomètre qui structure l’Expo) a été cuisiné une looooongue margherita qui totalisait 1596 mètres de pizza. Dès que les mecs officiels ont eu fini de la mesurer, elle a été distribuée gratuitement à qui tendait la main (et je peux vous dire que c’était une des pires margheritas que j’aie jamais mangé, mais bon, sur 1,5km j’imagine qu’on peut pas faire la fine bouche…)

Voilà à quoi ressemblaient souvent les colliers des badges des travailleurs à la fin de l'Expo : juste une collection de différents badges.
Voilà à quoi ressemblaient souvent les colliers des badges des travailleurs à la fin de l’Expo : juste une collection de différents badges.

Un autre truc qui nous a énormément occupé aussi : la collecte des badges de tous les pays. Chaque pavillon a créé un badge avec son logo ou le nom du pays. Certains les vendent, certains (peu nombreux) les donnent gratuitement, et d’autres sont réservés au personnel ou à ne donner que les journées officielles du pays en question. Ca a créé un trafic incroyable parmi certains visiteurs qui les remarquaient et surtout parmi les travailleurs d’Expo. On a passé un temps inimaginable à parler de nos badges, à se les échanger, à se les offrir, à les marchander … Il y a même une page fb des pins de l’Expo ! Une fois, un mec est venu vers moi à la fermeture parce qu’il avait remarqué que j’en avais un paquet, et voulais absolument échanger. Il a sorti de son sac trois carrés de velours sur lesquels étaient piqués des badges, ceux de 2015, et ceux des 2 Expo précédentes … C’est bien simple, à Expo je peux assurer qu’on parle beaucoup plus de badges que de nourrir la planète, pourtant le thème de 2015 !

 

Une évolution entre la fin de Expo et le début ?

jour d'ouverture
Le pavillon belge le jour de l’inauguration. Et tout le monde retrousse ses manches !

Pas qu’un peu mon neveu ! Et heureusement il faut dire, parce que le 1er mai, c’est-à-dire le jour où j’ai commencé mon stage et le jour de l’inauguration de l’Expo, il a fallu essuyer les plâtres. Littéralement : le pavillon ressemblait à ça. Le début a été extrêmement chaotique, avec énormément de problèmes de logistique (en gros il n’y avait absolument rien de chez rien qui était arrivé pour remplir le pavillon), de problèmes de personnel (qui ont fait la une de plein les journaux belges) et pleins de problèmes d’organisation divers et variés. Au final, il a fallu plus d’un mois après l’ouverture pour arriver au point où le pavillon ressemblait à ce à quoi il était prévu qu’il ressemble. Le cas du pavillon belge est un des plus extrêmes (et a suscité pas mal de moqueries de la part d’autres pavillons de pays plus organisés), mais il faut avouer que dans la plupart des pavillons rien n’était fini à temps.

Le Décumano, cette fois en juillet. Comparez avec la photo en tête d'article !
Le Décumano, cette fois en juillet. Comparez avec la photo en tête d’article !

Il y a aussi eu beaucoup d’inégalités d’affluence des visiteurs. Août, septembre et octobre étant plus que chargés (250 000 visiteurs par jours à certaines périodes, et des files d’attentes de plusieurs heures devant le moindre pavillon), alors que par exemple le mois de juillet a été un mois très calme, voire même ennuyant (et surtout effrayant pour les organisateurs et pour l’Italie, qui avait dû batailler et miser sur une grande affluence pour faire accepter un projet aussi coûteux à la population).

 

L’impact sur Milan

J’ai de la chance d’avoir commencé à habiter à Milan avant l’Expo, donc j’ai pu voir concrètement son influence. La ville entière ne parlait plus que de Expo déjà un moment avant l’inauguration, mais dès qu’elle a ouvert ça a été la ruée et, forcément, on en a encore plus parlé. En Août, le mois où traditionnellement les italiens prennent leurs congés d’été et s’échappent de la fournaise milanaise, on pouvait parfois arpenter la ville pendant une demi-heure sans entendre parler italien. Beaucoup de touristes francophones surtout, des germanophones, anglophones et russophones, et bien sûr des marées d’asiatiques. Comme Milan n’est pas non plus la ville la plus culturellement riche d’Italie ni la plus touristiques, les étrangers venaient pour l’Expo et visitaient la ville assez superficiellement, donc au final la ville n’a pas non plus été étouffée.

 

En conclusion, j’ai adoré cette expérience à l’Expo. Il y avait bien sûr des jours avec et des jours sans, mais au final sur le plan personnel ça m’a beaucoup apporté, et ça m’a permis de découvrir les coulisses de quelque chose d’exceptionnel là où tant d’autres gens n’ont eu accès qu’aux décors en carton. Je ne sais pas si j’aurai de nouveau la chance de voir une autre expo universelle, mais ce qui est sûr c’est que pour la prochaine (celle d’Anstana en 2017) je regarderai les petites annonces dans ce coin si jamais je ne fais rien à ce moment !

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